Fin prête pour cette soirée à laquelle je n’avais pas forcément envie d’assister, je quitte ma chambre après une dernière couche de rouge à lèvres. Je me suis renseignée sur le trajet à effectuer et les horaires de bus pour ne pas arriver trop tôt ni trop tard. Pas vraiment habituée à effectuer un trajet sans mon homme de main Lisandro, j’appréhende un peu de sortir seule. Je ne suis pas censée craindre qu’on soit à ma poursuite sur cette île paumée mais je reste tout de même en alerte, quoiqu’il arrive. Je descends les escaliers me tenant à la rambarde pour ne pas trébucher avec mes hauts talons. J’arrive enfin dans le d’entrée et lorsque je m’apprête à sortir par la grande porte j’aperçois une silhouette connue. Un homme au cheveux plutôt clair, une carrure digne d’être exposée dans un magasine de mode dans une tenue classe mais décontractée. Je me dis dans un premier temps que je vais rester derrière lui mais je suppose que nous allons au même endroit. Je passerai pour une idiote s’il me remarquait sans l’avoir accosté. Et puis faire le trajet accompagnée me rassurerait. Ou que j’aille, vous avez décidé d’être là. Je n’ai pas parlé trop fort, juste assez pour qu’il m’étende. Je m’approche un peu pour être à sa hauteur. Un léger sourire et lui adresse un Bonsoir.

Il invoque encore le destin, cette simple phrase me faire sourire. Dans un sens ça me fait plaisir de l’avoir retrouvé avant d’arriver au bar. Une personne connue me rassurait un peu. Mes échanges sociaux avaient été si rares ces derniers mois que je redoutais faire connaissance avec de nouvelles personnes. Mais avec Chris, à la salle de sport, ça avait été plutôt simple. Nous avions disserter sur mon rôle de psychologue assez naturellement. Il n’avait pas été trop insistant et avait pris congé de lui même lorsqu’il avait réparer ma machine. Je me méfierai sans doute encore, ne le connaissant pas assez et ses intentions à mon égard n’étaient pas encore très claires. Mais je ne m’en faisais pas réellement pour la suite. Oui, nous n’avons qu’à lui mettre ça sur le dos après tout. je ricane à mon tours, amuser par nos premiers échanges. Nous nous mettons en route et il me demande si je vais moi aussi à la soirée. Oui, je ne sais pas ce que ça va donner. je lui épargne le passage dans ma chambre ou j’ai hésité à m’y rendre pour ne pas paraître trop casanière et distante avec les autres. Pour une psychologue ça ferait désordre. Nous avançons assez lentement jusqu’à l’arrêt de bus et j’apprécie, mes talons pourraient me poser plus de problèmes si nous avions une démarche plus soutenue. Il engage la conversation se renseignant sur ma journée et évoque le tapis roulant. Je ne peux que sourire. Et bien ce tapis s’est comporté de manière très capricieuse mais j’ai réussit à le dompter. Je laisse échapper un petit rire et poursuit. Une bone journée, oui. J’en ai profiter pour remettre de l’ordre dans mon bureau avant de recevoir les étudiants la semaine prochaine. Pas mal de travail m’attendait dans les semaines à venir, des bilans de milieu de parcours, la poursuite d’études pour certains et de problématiques diverses. A partir de lundi prochain, les hostilités commencent pour moi. J’essaie de voir un maximum d’étudiants pour faire un bilan et surtout pour me faire connaître. Je tente un regard vers lui ne sachant pas si cela l’intéresse ou pas. Et vous, votre journée ?

Il ne m’avait pas vraiment abandonné mais plus moi qui avait pris congé. Parfois je me demande si ma vraie nature refera surface un jour. Si celle que j’étais avant, chaleureuse, avenante renaîtrait de ses cendres. Mais j’en doutais, ma vie chaotique m’empêchait d’être moi-même. J’avais l’impression de plus pouvoir vivre paisiblement en paix. Et puis même si je le souhaitais la mort de mon fils pesait trop sur ma conscience. Si j’avais découvert que mon mari était encore dans de sales affaires j’aurais pu empêcher l’accident. Mais je n’ai rien fait, rien. Je chasse rapidement cette idée négative qui me guiderait tout droit vers ma chambre pour boire seule et en silence. Non ce soir il fallait faire un effort, rencontrer mes collègues et accorder une chance à cet homme de m’approcher ne serait qu’un mais pas trop. Vous savez, je suis une femme combative. Que vous ayez été la ou pas je n’ai pas laissé tomber. Combattive peut être mais pas en ce qui concerne ma petite personne me laissant sombrer la plupart des soirs dans un état dégradant. Je claque ma conscience qui me rappelle à l’ordre. On change de changer assez rapidement. Je lui raconte ma journée et lui ne trouve rien de mieux que de me faire du rentre dedans. Je ris nerveusement face à sa remarque qui semble sérieuse mais sur dite sur le ton de la plaisanterie. Le plaisir de me rencontrer dans les couloirs ? Je ne pensais que c’était déjà un plaisir de me rencontrer. Je suis un peu gênée et peut être un peu agacée. Je me doutais bien qu’un homme ne pouvait pas voir en moi une simple collègue. Ce qui suit me fait limite sursauter. Quel culot ! Vous ne venez tout de même pas de me proposer de prendre votre téléphone pour que je vous invite à un rancart ? je ris de nouveau, nerveusement il ne peut en être autrement. Je ne sais plus vraiment où me mettre alors instinctivement je m’écarte un peu de lui. Vous avez gagné ! Vous me faites peur ! C’est dit sur le ton de la rigolade mais je ne sais pas vraiment ce que j’en pense. Au secours, venez moi en aide, je ne sais absolument plus quoi faire ce genre de situation.. Pour mon plus grand soulagement il répond à ma question, me détaille sa journée et évoque le pôle administratif. Je crois qu’il est temps pour moi de lui faire un aveux. Alors je me stoppe net sans prévenir. Chris, il faut que je vous avoue quelque chose.. je prends bien mon temps pour lui faire peur et accouche enfin. Je ne me rappelle tout bonnement pas quel est votre rôle au sein de l’institut. J’ai rencontré tellement de personnes le jour de mon arrivée que ça m’a échappé. La bombe est lâchée et je ne peux m’empêcher de rire un peu. Peut être va-t-il mal le prendre mais du peu que je le connaisse je ne pense pas.

En vue de ses réactions, je me dis que je suis peut être un peu trop méfiante. A chaque parole je le rembarre et ce ne doit pas être très agréable. Surtout qu’il essaie d’être sympathique et surtout de me faire une place de « collègue ». Je devrai sans aucun doute me lâcher un peu plus, lâcher du mou mais c’est tellement compliqué de s’ouvrir après tout ce que j’ai enduré. Seulement je ne suis plus en Italie, je n’ai plus rien à craindre tant que personne n’est à mes trousses ici. J’ai espoir que ça n’arrivera jamais. Mais connaissant la famille qui me recherche ils ne resteront pas longtemps dans l’ignorance. Je n’en suis qu’à ma première semaine ici, il est sous doute vrai que croiser ses collègues pour bavarder permet de décompresser après une journée chargée. Je vais dans sens, puisque vu sous cet angle je suis d’accord avec lui. Lorsque je travaillais en clinique, j’avais besoin de ses ses moments de calmes après plusieurs rendez vous. A changer avec mes confrères sur différents cas où tout simplement de parler de la pluie et du beau temps. Les patients que j’accompagnais étaient sans aucun doute moins au clair avec eux mêmes. Les étudiants semblaient plus apaiser et ne souffraient pas des mêmes pathologies.

A dire qu’il me fait peur, je l’ai froissé ce qui n’était pas mon intention, je me sens un peu ridicule pour le coup. Je dois réagir. Je plaisantais Chris. Pardonnez mon manque de tact. Je lui souris avant de jouer mon numéro de la grande chose que je dois lui avouer. Sa réaction était telle que je l’attendais. Il appréhende et cela me fait rire quand il manifeste sa peur. Parfois je peux être drôle. Parfois. S’il m’avait connu avant, il aurait eu en face de lui une femme qui aime faire rire. J’essaie de retrouver cette partie de moi mais ça prend du temps.

Désolée, mais votre réaction était drôle. Je lui souris de nouveau et écoute ce qui suit. Trésorier, je ne l’aurais jamais imaginé à ce poste. La fin de sa phrase ne passe pas dans l’oreille d’un sourd. Je saurais vers qui me tourner si j’ai besoin de quelque chose. Ça tombe bien que vous en parliez. J’ai effectué une petite liste. Je me demandais s’il était possible de faire installer un jacuzzi ? Pas un vrai bien sûr mais un gonflable. Je le regarde, un sourire amusé sur mes lèvres. Plus sérieusement, j’y penserai. J’aurais certainement besoin de quelques livres, ceux qui sont sur les étagères datent un peu.. Nous arrivons à l’arrêt de bus, n’avons pas le temps de nous asseoir sur le petit nance que notre calèche arrive déjà. Il arrive à notre hauteur, nous entrons, payons notre ticket et je suis Chris qui s’installe à l’arrière. Je prends place à ses côtés. Je crois que je n’ai pas pris le bus depuis mon enfance.. Je suis habituée à de belles berlines parfois Lisandro qui me conduisait. Avoir un homme de main ça avait du bon.

J’ai secoué la tête en riant quand il a évoqué son petit cœur. Et ne pu l’empêcher de lui répondre. Je suis sûr que votre petit cœur est plus solide que vous ne le pensez ! Cet homme était drôle, je ne pouvais pas le nier. Seulement j’avais parfois du mal à déceler son comportement et ses paroles. Est ce qu’il tentait de flirter avec moi ? Je n’en avais aucune idée. Peut être avait il beaucoup d’humour, un humour graveleux mais qui me faisait rire. Peu de gens parvenaient encore à me faire sourire. En même temps, avec le peu de monde que tu as côtoyé ces derniers temps, tu n’as pas beaucoup de comparaison. Je fais taire ma conscience qui ne peut s’empêcher de la ramener et me concentre sur ce qu’il m’apprend. Professeur d’économie, ça ne me surprenait pas plus que ça. Les chiffres semblaient être son dada.

Si j’ai du mal avec mes statistiques, je saurais vers qui me tourner. Un autre sourire pour lui, si ça continuait j’allais avoir une crampe.

Je ne sais pas réellement comment il s’y prenait, mais Chris parvenait à faire renaître ce côté boutentrain qui avait complètement disparu suite à l’accident. C’était à la fois plaisant et déplaisant. J’avais du mal à admettre que je pourrai un jour reprendre goût à la vie comme si la mort de mon fils devait me faire porter le deuil toute ma vie. Dans un sens ça n’avait rien de surprenant mais il fallait apprendre à aller de l’avant comme je le conseillais à mes patients. Choses plus faciles à dire aux autre que de le faire soi même.

Bien entendu l’achat d’un jacuzzi ne passa pas dans l’oreille d’un sourd. Je ne pu me retenir de lever les yeux au ciel et de lui adresser un signe de entendu quand il mentionna la liste de mes livres à lui transmettre. Je vais étudier la question pour votre place attitré dans mon jacuzzi et vous donnerai ma liste demain. qu’est ce qui me prenait ? Lui faire du rentre dedans n’était vraiment pas chose à faire. Mes joues prirent une teinte rosée lorsque je me rendis compte de ce que je venais de lui dire.

Par chance le bus était arrivé, sauvée par le gong comme dit. Nous sommes installés côte à côte et le trésorier de l’institut répond à ma remarque. J’aurai pu renchérir sur ce qu’il venait de dire mais la question qu’il me posa ensuite me glaça. Mon cœur tomba à la renverse et mains devinrent moites instantanément. Je me doutais bien qu’un jour je devrai faire face à ce genre de questionnement mais je n’étais tout bonnement pas prête ! Pas là, comme ça. Mais je n’avais pas le choix, je ne pouvais pas faire arrêter le bus pour m’enfuir. Je pris une grande inspiration que j’eu du mal à dissimuler avant de répondre.

J’exerçais au sein d’une clinique à Londres et... je marque une courte pause réfléchissant à ce que j’allais dire. Et j’ai passé quelques mois à Naples dans ma famille suite à un événement...triste. Une larme se forma trop rapidement dans le coin de mes yeux. Ne pas trop en dire, rester vague et rebondir tout de suite. Et vous ? Depuis quand êtes vous ici ? Avais je réussi à répondre sans inciter plus de questions ? Aucune idée mais j’avais fait du mieux que je pouvais. J’aurais pu lui parler de mon fils, peut être qu’il était déjà au courant puisqu’il avait lu mon dossier mais je ne souhaitais pas qu’on s’apitoie sur mon sort.