Styx était allongé sur son lit, ses écouteurs dans les oreilles quand son téléphone s’était mis à vibrer. Un SMS. Bizarre, le réseau était plutôt capricieux sur l’île et le monde extérieur ne semblait pas joignable pour le moment. Un numéro de téléphone inconnu s’afficha, laissant Styx perplexe. Son interlocuteur semblait d’humeur joueuse mais le jeune homme avait appris à se méfier de ce genre de message. Pas question de rentrer dans ce petit jeu tant qu’il ne savait pas à qui il avait à faire.

Bien vite, le mystérieux inconnu prit la forme de la blonde de l’avion. Romy. Styx s’autorisa alors à se détendre légèrement. Toutefois, une question restait en suspens. Comment avait-elle eu son numéro ? Il était sûr de ne l’avoir donné à personne. Est-ce qu’elle avait été fouiller dans son dossier ? Styx fronça les sourcils. La blonde devait alors en savoir plus sur lui que ce qu’elle prétendait. Il se demanda également si elle cherchait juste son numéro ou si c’était une toute autre information qu’elle cherchait.

*T’es parano mon gars !*

Quoique, prudence est mère de sûreté. On n’est jamais trop sur ses gardes. Styx l’avait appris à ses dépends. Alors qu’il s'attendait à une discussion légère avec la blonde, les SMS prirent une toute autre tournure. Un appel à l’aide. Romy avait soit disant fumé un truc chelou. Evidemment, c’est le tatoué au cocard qu’on appelle en cas de bad trip ! Ils ne devaient pas être nombreux à consommer dans cet établissement et sa gueule affichait clairement qu’il n’était pas un bon samaritain.

Styx s’appreta à envoyer chier la blonde en lui disant de se démerder avec ses conneries mais quelque chose le retint. Peut-être le souvenir de la panique de Romy dans l’avion, le visage figé par l’angoisse. Putain, il allait encore se mettre dans des emmerdes. Et moins d’une semaine après son arrivé. Bien joué, champion ! Kyle allait péter un câble s’il se faisait renvoyer.

SMS "J’arrive."
SMS envoyé.

C’est en grommelant que Styx se leva de son lit. Les toilettes des meufs. Super. Elle ne faisait pas les choses à moitié. Bon, l’avantage est que les toilettes étaient sur le même étage que sa chambre. Plus vite, il en aurait fini avec ces conneries, plus vite il pourrait se pieuter devant Netflix. Il observa sa tenu. Un short long de basket noir et un t-shirt de la même couleur. Parfait. Il pourrait se fondre dans l'obscurité et esquiver les surveillants qui rodaient dans les couloirs.

Sans prendre la peine d’enfiler des chaussures, Styx se faufila dans le couloir. L’air de rien, comme s’il se rendait dans les salles de bain des garçons. Tous les sens en alerte, il guettait le moindre son en provenance de l’étage. Mais à cette heure avancée de la nuit, tout le monde semblait dormir. Au dernier moment, il tourna à gauche pour atteindre la partie réservée aux filles. Il poussa la porte des toilettes et referma discrètement derrière lui. Jusqu’ici tout va bien.

Romy ?

Styx regarde l’ombre s’avancer jusqu’à lui. Cette forme prend ensuite l’allure d’une femme jusqu’à prendre définitivement les traits de Romy. Le jeune homme ne peut alors s'empêcher de l’analyser de haut en bas. Mini short et débardeur. Elle devait attendre quelqu’un d’autre que lui. Visage pâle, pupilles dilatées. L’air de vivre la pire soirée de sa vie. Styx connaît bien cet état pour l’avoir traversé à de nombreuses reprises. Oh, oui. La blonde fait un joli bad trip. C’est moche. Ça donne envie de crever. Mais ça ira mieux dans quelques heures.

Avec n’importe qui d’autres, Styx se serait mis à rire. Son rire qu’il réserve à ce genre de moment où les autres sont plus pathétiques que lui. Ça arrive rarement alors il savoure ces entractes dans sa vie merdique. Mais en ce moment, il n’a pas envie de rire. Il regarde la blonde baisser la tête et prendre un air coupable. Pourquoi est-ce que son instinct lui dicte de protéger cette meuf ? Il ne la connais pas. Il en a rien à foutre. Pourtant.

Un sourire en coin éclos tout de même sur ses lèvres.

Vas y, dis le que je suis pathétique..

Styx se passe une main dans ses cheveux pour les ramener en arrière. Mais une mèche rebelle revient se positionner sur son front. Il avance doucement puis va s’appuyer contre les lavabos.

Ouai, t’es pathétique meuf.

Il se retourne pour ouvrir l’eau froide.

Mais qui ne l’est pas ?

Il passe sa main dessous. L’eau est glacée. Parfait.

Viens là, boucle d’or.

Il attends que Romy prenne place à ses côtés puis choppe une petite serviette posée sur le côté pour que les élèves puissent s’essuyer les mains. Chez lui, on s’essuyait les mains sur son jean. Ici, on a de belles serviettes blanches. Putain, de bourges. Il passe la serviette sous l’eau glacée puis l’essore doucement.

Il se tourne enfin vers Romy et lui applique la serviette mouillée sur le visage. Cela devrait lui faire du bien.

T’en a pour quelques heures de bad. Tu devrais dormir, ça passera plus vite.

Il fronce légèrement les sourcils en plongeant son regard azur dans ceux de la blonde. Elle a pas l’air d’avoir besoin de fumer pour se sentir bien. Elle a l’air d’être le genre de meufs qui a une belle vie et tous les mecs à ses pieds. Alors pourquoi ? Voilà un mystère que Styx a bien envie de résoudre. Mais le laissera-t-elle entrer dans sa jolie tête ?

Des choses à oublier, boucles d’or ?

La blonde semble avoir toute la misère du monde sur ses épaules ce soir. Styx a l’impression qu’elle peut s’écrouler à tout moment. Mais il sait au fond de lui qu’il ne pourra pas la retenir. Il n’a jamais su le faire. Réconforter les meufs, c’est pas son truc. Pourtant, elle l’a remercié d’être là. Sa présence semble lui faire du bien. Même s’il ne sait absolument pas ce qu’il est en train de faire, il n’a pas envie de la laisser toute seule. Sans qu’il sache quoi, quelque chose le retient dans ces toilettes.

Romy semble apprécier l’eau sur son visage. Lui aussi a déjà été dans cet état, tout comme nombre de ses frères. Les bad trip, la drogue, ce sont au moins des choses qu’il sait gérer. Sans qu’il s’y attende, des images surgissent alors dans sa tête. Un couloir crasseux qu’il remonte en titubant. Une porte à moitié défoncée qu’il pousse d’une main tremblante. Cette meuf au sol, inconsciente avec de la bave qui coule de ses lèvres. Son visage translucide. La seringue pleine de sang à ses pieds. Styx cligne plusieurs fois des yeux pour chasser ces images de sa tête. Pas ici. Pas maintenant. Romy n’est pas ce genre de meuf. Rien de tel n’arrivera ici. L’institut est un endroit sûr.

Aller Styx, concentre toi sur le présent. Tu peux le faire. Soit là pour Romy. Remet là sur pieds et va te coucher. Demain est un autre jour.

Heureusement que ça ne dure pas éternellement. Comment on peut aimer être dans cet état là ?

La voix de la blonde fait fuir les restes de ces souvenirs et arrive même à lui décrocher un sourire en coin. Il secoue doucement la tête en regardant Romy par dessous.

C’est parce que tu n’as pas fait les choses bien, Boucle d’Or. De la came merdique, un mauvais contexte et voilà le résultat. La prochaine fois que tu veux essayer fait ça bien. Et..

Styx tapote doucement son index contre la tête de la jeune femme.

… Et assure toi d’aller bien la dedans sinon tu cours à la catastrophe.

La tournure de la soirée prenait un ton beaucoup trop dramatique pour Styx. Il voulait revoir un sourire sur le visage de… son amie ? Non aucune chance qu’elle le considère autrement qu’un merdeux rencontré dans l’avion. Il savait pourquoi il était là. Avec sa tête de drogué, il était l’homme de la situation.

Et la prochaine fois, appelle moi avant de fumer ! Le partage ça te dis quelque chose ?

Ok, tentative merdique pour lui redonner le sourire. Mais être sociable c’était vraiment pas son truc. Il faisait des efforts mais il avait l’impression de toujours dire ce qu’il ne fallait pas. D’être toujours à côté de la plaque.

Alors qu’il souhaitait juste la faire parler pour qu’elle oublie son état, Styx sentie que cette fois, il avait vraiment mis les pieds dans le plat. Lui demander de parler de ses problèmes ? Ouai, super idée champion. Voilà une idée de génie pour lui remonter le moral. Putain, qu’il était con parfois. Et pour accentuer son malaise, voilà que la blonde avait les larmes aux yeux.

La panique commençait à monter du ventre de Styx. Il ne savait pas comment aider Romy. Son visage s’était fermé et elle semblait batailler contre mille démons à l’intérieur de sa tête. Son âme semblait torturé. Est-ce que la sienne ressemblait à ça également ?

Alors que le jeune homme s'apprêtait à poser sa main sur l’avant bras de la jeune femme dans une vaine tentative de réconfort, Romy se tourna vers le miroir pour observer son reflet. Styx laisse retomber son bras le long de son corps et observa le reflet de la blonde. Ses lèvres s’entrouvrirent légèrement alors que son cerveau tournait à plein régime pour trouver une phrase intelligente à dire mais aucun son ne sortie. C’est à ce moment exact que le miroir se fissura faisait sursauter le jeune homme.

Une des choses que j'aimerai oublier.

La voix de la blonde flotta dans l’air lourd qui s’était installé entre eux. Styx se recula pour observer le miroir à son tour. Il essaya de trouver une raison rationnelle à ce qu’il venait de se passer. Mais personne n’avait touché le miroir. Aucun objet ne l’avait percuté.

Putain, mais qu’est ce qui se passe ?

Voilà les seuls mots qu’il réussi à articuler alors qu’il n’arrivait pas à détacher son regard de la cicatrice verre qui était apparu quelques secondes auparavant. Styx ne savait pas comment réagir, son cerveau semblait à l’arrêt complet. Il se tourna néanmoin vers Romy qui semblait au bord des larmes.

Tu m’expliques ?

Ok, elle aurait peut-être une explication sur tout ce bordel. Pas de panique. Elle allait tout expliquer. Il le fallait.

Tu peux t'enfuir, je comprendrai. Vraiment.

Et c’est exactement ce dont avait envie Styx. Fuir. Loin de cet institut bizarre et de ses occupants étranges. Loins de toutes ces conneries et de ces miroirs qui se brisent tout seul. Mais il n’était pas ce genre de mec. Il ne renonçait pas. Il ne fuyait pas. Même quand il aurait du se barrer loin, il était resté là quitte à se retrouver dans des situations… Compliquées.

Styx quitta Romy des yeux, pour les reposer sur le miroir. Ok, c’est elle qui avait tout fait péter. Elle était aussi capable de faire exploser des ampoules. Très bien. Lui c’était bien fait agresser par la forêt alors pourquoi est-ce que Romy ne pourrait pas faire exploser des trucs par la pensée.

Maintenant que la panique avait quitté son corps, Styx pouvait penser plus clairement. Il tendis la main et la posa sur le bras de la jeune femme, d’un air assuré cette fois. Il espérait réussir à la calmer grâce à ce contact. Comme dans l’avion. Si ça avait fonctionné une fois, peut-être que cela fonctionnerait à nouveau.

Manque de chance poupée, je reste là.

Sa décision était prise. Styx ne savait pas dans quoi il s’embarquait mais il serait aux côtés de Romy pour gérer… Ce truc. Il haussa les épaules avant de reprendre.

C’est plutôt cool en fait. Bon, n’essaie juste pas de faire la même chose avec ma tête s’il te plait. Ma belle gueule est tout ce qu’il me reste.

Il fit un clin d’oeil à la blonde en espérant alléger son humeur. Il allait devoir trouver un moyen de l’aider mais l’institut n’allait pas leur faciliter la tâche. Internet était quasi inaccessible et il était hors de question qu’il foute un pieds à la bibliothèque. Ils allaient devoir trouver quelqu’un qui connaissait tout ces trucs. Mais qui ?