Un jour de plus à tuer sur cette île. Je me suis fait cette petite routine, deux heures de sport par jour. Matin, midi ou soir peu importe. C’était devenu vital. Un autre moyen de ne pas penser, j’étais assez forte pour ça. Mais quand il s’agissait de vraiment tout oublier, mes réserves de whisky faisait très bien leur travail. Nous sommes donc lundi matin, pas de rendez vous de prévu. Il faut que les élèves puissent me repérer, je ne suis pas là depuis longtemps.

J’ai enfilé mon ensemble : une brassière noire, un legging, ma paire de baskets, une queue de cheval. Je suis fin prête. J’attrape ma veste pour ne pas attraper froid, mon sac de sport, en route.

Ce qui est apaisant ici, c’est la nature. C’est comme si elle avait le pouvoir de vous envelopper comme pour vous préserver de tous les dangers extérieurs. Cette île semble être suspendue dans un autre monde. Il aurait adoré ça. En pensant à lui, j’effleure instinctivement le tatouage de son prénom dans le creux de mes reins.

Le gymnase semble être vide. Je passe dans les vestiaires, quitte ma veste, attrape ma serviette et ma bouteille d’eau et sors pour rejoindre la salle. Sans faire vraiment attention je trébuche sur une des nombreuses machines et rentre dans un homme au visage dissimulé par sa serviette. Pour garder ma fierté intacte je lui balance : Vous pourriez faire attention ! Je me redresse et plante mon regard dans le sien. Il me dit vaguement quelque chose, on a sans doute été présenté lors de mon arrivée mais je ne me rappelle plus son nom. Merde.

Ma mémoire me faisait en effet défaut. J’avais rencontré cet homme à mon arrivée, il connaissait mon nom. Comment me sortir de ce bourbier alors que j’étais seulement venu faire du sport. J’aurais pu m’excuser pour ma maladresse mais non, mon caractère et ma fierté en avait décidé autrement. Débrouille toi. me souffla ma confiance. Il me fit bien comprendre que j’étais fautive aussi en toute délicatesse. Mon regard le fixait bien déterminé à ne pas le baisser face à un homme, plus jamais.

En effet. J’aurais du faire attention. voilà qui est plus sage, se remettre légèrement en question ne sachant plus à qui je m’adresse. L’homme qui aurait pu passer son chemin renchérit en me conseillant de faire attention, je suis à deux doigts de lui répondre quand il prend sur lui également. Du calme Schiavone, fais toi oublier.

Mon prénom est Donna, entre collègue on peut bien s’appeler par nos prénoms. Je rebondis sur le madame Schiavone en espérant qu’il me révèle le sien. Malheureusement la salle ne vous appartient pas même à cette heure ci. Je lui souris, tentant de sauver les apparences. Mieux faut se faire des amis que des ennemis, sait on jamais le jour où ces salopards me retrouveront.

Mon stratagème a marché, il me livre son prénom sur un plateau. Chris. Il ne semble pas habitué à se faire appeler ainsi, il va falloir s’y faire puisque je ne me souviens plus de son nom de famille. Et puis appeler quelqu’un pr son prénom lors d’une séance installé une atmosphère de confiance. Seulement là, nous ne sommes absolument pas en entretien mais dans une salle de sport. Et il est torse nu. Du calme Donna, il ne va pas te sauter dessus. Je donne une claque à ma conscience qui disparaît et répond à mon interlocuteur. Très bien, dans ce cas ce sera Chris. Je lui souris de nouveau, Wahou quel effort je fais aujourd’hui. La psychologue dans toute sa splendeur : la faculté d’utiliser le non verbal à bon escient.

Oui, tellement grande que nous ne devrions plus nous marcher sur les pieds. Je place ça gentiment, ne pas se laisser attiser par le sexe ennemi. Plus aucune confiance, pas un seul écart. Un bon verre me rendrait plus courageuse. Seulement je vais devoir me contenter de sport en attendant ma récompense de ce soir.

Ce qu’il ajoute détonne avec ce que je viens de placer. Alors pour ne pas paraître trop froide, je me contente de répondre simplement. Oui. Enfin cela dépendra de mon emploi du temps, des élèves et de leurs entretiens. C’est très aléatoire. Je ne sais pas s’il me fait comprendre qu’il aimerait se croise souvent ici ou s’il dit ça juste pour être poli. Ne vois pas le mal partout, l’italienne. Une fois de plus je chasse ma conscience qui me tape sur le système.

J’avais prétexté mes entretiens pour ne pas avoir à se donner rendez vous pour le sport tous les lundis matins. Il n’y avait sûrement rien de mal à cela mais j’étais devenu incapable de planifier des rencontres depuis l’accident, un jour ou l’autre on finit toujours par être déçue. Tu es trop fataliste Donna.

C’est vrai, vous avez raison j’ai entendu plusieurs fois que faire du sport en collectivité pouvait être source de motivation. Nous nous croiserons sûrement. Voilà qui est plus poli, pas de rendez vous d’imposer juste le hasard d’une rencontre.

Mon collègue semble réfléchir, je le laisse divaguer sur ses pensées. Je pars du principe qu’il est toujours essentiel à l’être humain de se projeter dans ce qu’il pense, ce qu’il ressent pour son bien être. Il ouvre de nouveau la bouche pour me parler d’entretiens. Je fronce légèrement les sourcils tentant de comprendre ou il veut en venir mais il reste très vague. Je le laisse venir mais finalement il rebrousse chemin, me demande de laisser tomber. Il aurait été intéressé par un entretien. La psychologue que je suis ne peut faire la sourde oreille et ressent le besoin de cet homme. Alors je ne le laisse pas filer, beaucoup plus intéressé que par nos échanges passés.

Chris, si vous ressentez le besoin de.. discuter, mon bureau vous sera toujours ouvert. J’ai encore de la place. Je ne suis pas là depuis longtemps, j’ai des créneaux, si vous le souhaitez. Ne jamais brusqué, toujours laisser le choix à un éventuel patient. Il n’est pas simple de demander de l’aide. Je n’aurais pas soupçonner que cet homme devant moi pourrait avoir besoin de mes services.

Je lui souris lorsqu’il évoque le destin. Le destin nous joue de mauvais tours, moi qui avait place de bons espoirs en lui me voilà sans mon fils. Mais rien ne sert de s’épancher sur le sujet avec un parfait inconnu. Il enchaîne sur le fait d’hésiter, que nous avons tous nos monstres à combattre. S’il savait. Je ne peux qu’émettre un petit rire lorsqu’il évoque sa certitudes en mes capacités et le vois se trouver bête par ce qu’il avance. Il est amusant. Et ne s’arrête plus de se justifier. Un sourire amusé se dessine sur mes lèvres. Je ne peux que m’amuser de la situation.

Vous savez, Chris, chacun a ses démons. Chacun se doit de s’en débarrasser en faisant un travail sur soi même. Et même vous, vous avez le droit d’essayer de les chasser. Sans cela, on n’avance avec difficulté face aux étapes de la vie.

Ok. La c’est clairement la poêle qui se fout du chaudron mais je n’en laisse rien paraître laissant espérer à ce pauvre homme que je m’active sur cette même lignée. Moi, Donna, psychologue, je suis incapable de vaincre ses monstres qui me tourmentent.

Alors comme ça, vous avez examiné mon dossier ? J’espère que vous y aviez trouver tous les renseignements nécessaires. M’enfin je suppose que oui puisque je suis là devant vous.

Je ne sais plus quel est son rôle alors je laisse croire que je maîtrise parfaitement sa profession. Mon travail est complexe, certes. Comme toutes les professions. Un maçon doit trimer pour réaliser des fondations. Je ne pense pas être la seule à avoir un travail complexe, loin de la.

Je lui souris une nouvelle fois et ne peux m’empêcher d’ajouter. Demain matin, 9h ? J’ai un créneau de libre. Pour tenter d’apaiser vos démons qui vous torturent. Un sourire compatissant sachant exactement ce que ça peut vous faire.