Styx avait les nerfs à fleur de peau et son visage indiquait clairement que ce n’était pas le moment de venir l’emmerder. Ses retrouvailles avec Gaïa avait été inattendues et il ne savait toujours pas quoi penser de tout cela.

Malgré son état, il devait se rendre en cours. La Directrice avait été clair avec lui et il n’avait plus le droit à l’erreur. C’est donc la mâchoire serrée et les yeux couleur ouragan que Styx traversait les couloirs de l’institut pour rejoindre son cours d’économie. Dès son entrée dans la salle de classe, il repéra tout de suite la chevelure blonde de Gaïa. A sa place.

Putain…

Le jeune homme s'avança vers la place qu’il occupait depuis le début de l’année mais la blonde n'esquissa aucun mouvement vers lui. Lui parler était encore au dessus des forces de Styx. Seul Hadès savait les horreurs qui allait sortir d’entre ses lèvres s’il lui adressait la parole maintenant. Alors il se contenta d’un bon coup de pieds dans la chaise de la blonde. Simple. Efficace. Et vu la tête de Gaïa, le message était clairement passé.

Sauf qu’au lieu de bouger de sa chaise, la blonde lui adressa seulement un doigt d’honneur. Ok, ma belle. Tu veux jouer, on va jouer. Alors que Styx s'apprêtait à sortir une de ses remarques cinglantes, le prof entra dans la salle.

Monsieur Wekesa, pourriez-vous rejoindre rapidement votre place afin que le cours puisse commencer.

Styx serra les dents pour se contenir et se pencha légèrement vers Gaïa.

On en a pas fini tous les deux.

Son souffle chatouilla l’oreille de la jeune femme alors qu’il se redressait déjà pour adresser un signe de tête au prof. Styx plongea son regard quelques secondes dans celui de la jeune femme avant de rejoindre une place libre dans le fond de la salle.

Styx passa le cours entier à fixer la blonde assise quelques rangs devant lui. Sa colère commençait à laisser place à un sentiment qui pouvait se révéler tout aussi dangereux : l'incompréhension. Pourquoi Gaïa agissait comme si rien de c’était passé ? Pourquoi ne semblait-elle pas comprendre sa colère ? Il était en droit de lui en vouloir. Sa descente aux enfers après son départ rendait légitime toute la rancœur qu’il ressentait en ce moment. Mais peut-être qu’agresser son amie n’était pas le bonne solution. Il devait être plus malin s’il voulait obtenir des réponses. Et puis, il ne pouvait pas cacher que le retour de la blonde ne le laissait pas indifférent. Gaïa était… Gaïa.

La sonnerie retentit pour indiquer la fin du cours, faisant sursauter Styx. Il n’avait rien suivi au cours d’économie et il aurait été totalement incapable de citer le sujet du cours d’aujourd’hui alors que l’économie était une de ses matières préférées. Il prit son temps pour ranger ses affaires dans son sac, attendant que la salle de vide de ses élèves. Il se leva ensuite doucement pour se planter devant Gaïa.

Reste ici, on va parler tous les deux.

Sa voix était grave, sans appel. Aucun sentiment ne s’afficha sur son visage. Il était déterminé à mettre les choses au clair avec Gaïa et il voulait qu’elle saisisse bien le message. Elle n’allait pas pouvoir réapparaître du jour au lendemain et s’attendre à ce qu’il lui tombe dans les bras. Le Styx qu’elle avait quitté n’était plus le Styx qu’elle avait devant elle aujourd’hui. Les entailles cachées sous ses tatouages n’étaient pas les seules blessures qu’il trimbalait avec lui.

Le prof lui jeta un regard curieux.

Un problème Monsieur Wekesa ?

Styx se racla la gorge et afficha un faux sourire sur son visage.

Aucun, Monsieur. Comme Gaïa arrive en cours d’année, je me suis proposé pour lui montrer ce qu’elle a loupé ces dernières semaines.

Le prof fronça les sourcils, ne croyant pas un seul instant à l’histoire du jeune homme. En même temps, Styx n’avait rien d’un gentil tuteur qu’on assigne à un nouveau. Toutefois, il hocha la tête et quitta la salle en refermant la porte derrière lui. Styx et Gaïa étaient maintenant seul dans la salle de classe.

Styx s’asseya sur une table à côté de la jeune femme, posant un pied sur une chaise. Toutes les salles étaient équipées de détecteur de fumée et il ne pouvait malheureusement pas s’en griller une. Cela lui aurait permit de calmer ses nerfs.

Il inspira profondément et chercha comment aborder cette discussion avec la blonde. Les deux amis se fixaient comme pour savoir lequel allait craquer en premier. Le regard de Styx se fixa une seconde sur les lèvres de la blonde mais il détourna le regard avant de faire une connerie. A la place, il décida de briser le silence.

Tu disparaît du jour au lendemain, sans aucune explication. Pas un aurevoir, pas une lettre et pas une putain de nouvelle pendant toutes ces années. Et aujourd’hui, tu te pointes à l’institut comme si de rien n’était avec ton beau sourire et tes grands yeux. Mais tu t’attendais à quoi meuf ? Que je te saute dans les bras ? Que je te pardonne sans rien te demander ?

Bon, un peu brutal mais Styx n’était pas un beau parleur qui savait manier les mots. Son truc à lui c’était les chiffres. Il avait encore de gros efforts à faire en relations sociales.

Styx fixait Gaïa en écoutant ses explications. Tout se mélangeait une fois de plus. Hadès pouvait lui faire croire tout et son contraire alors à qui se fier au final ? La blonde semblait sincère dans ses explications mais il y a avait encore pas mal de zone d’ombre.

Cerbère, hein… Mais quel fils de **** !

Le point de Styx s'abattit sur le bureau sur lequel il était assis. Le bruit du bois fendu résonna dans la salle vide. Le jeune homme serra les machoirs pour tenter de canaliser sa colère. Le plus vieil ami de son père était donc au courant. Il avait promis de faire de Styx un vrai fils d’Hadès. Et il avait réussi.

Et pourquoi tu ne m’a jamais donné de nouvelles ? Cerbère te dit de ne plus me contacter et toi tu obéis comme un bon toutou ? C’est ça ?

Styx se leva brusquement et fit les cents pas dans la petite salle de cours. Il allait péter un plombs et ce ne serait pas beau à voir. Les poings serrés, le regard brûlant de colère, il se retourna une nouvelle fois vers la blonde.

Tu m’as abandonné, Gaïa. Ne cherche pas à mettre la faute sur Cerbère, tes parents ou le club. Tu avais le choix, et as décidé de couper les ponts. Alors maintenant, te pointes pas comme si rien ne s’était passé en espérant que ton joli petit cul se retrouve de nouveau sur mes genoux, ok ?

Styx se dirigea vers la fenêtre et l’ouvrit pour laisser entrer l’air froid de l’extérieur. Ses poumons se remplirent à nouveau d’air frais et il eut l’impression qu’il avait retenu son souffle pendant toute la discussion avec Gaïa. Le jeune homme se força à regarder dehors parce qu’il savait que derrière sa colère se cachait autre chose et qu’un seul regard de la blonde pourrait le faire craquer.

Il laissa échapper une dernière phrase. Un murmure. Comme s’il se parlait à lui même.

Tu m’as brisé Gaïa. Et je ne pourrais plus jamais être le Styx que tu as connus. Jamais.

Styx laissa échapper un rire ironique en regardant la blonde ranger ses affaires.

Tout aurait pu être différent, Gaïa.

Sa voix était étrangement calme, comme s’il c’était fait une raison. Il aurait beau s’énerver, maudire Cerbère ou Gaïa, personne ne pourrait changer le passé. Il fallait l’accepter et faire avec. Il était un sal con et il ne resterait surement toute sa vie.

Styx alla récupérer son sac à dos et le laissa pendre à une de ses épaules. Il se rapprocha de la blonde avant qu’elle puisse quitter la salle.

Hadès te fait peut-être peur mais tu aurais dû te fier à moi. J’aurais fait de toi ma régulière, je t’aurais protégé, tout comme le club. Une fois ma régulière, tu aurais été intouchable et on aurait pu s’en sortir ensemble.

Il regarda son ancienne amie quitter la salle.

Mais tu as raison Gaïa, casse toi. Tu sais faire ça, au moins. Un beau point commun avec tes connards de parents.

Il était allé trop loin. Styx le savait. Mais il voulait faire mal à Gaïa comme lui avait souffert durant toutes ces années. Il voulait voir la souffrance dans ses yeux et l'emmener avec lui au plus profond des enfers.

Styx encaissa la gifle sans broncher. Il n’était pas surpris. Il avait choisi de provoquer Gaïa, de la pousser dans ses retranchements pour voir comment elle allait réagir. Et il aimait son nouveau tempérament. Il n’aimait pas les filles qui se laissait faire, qui acceptait tout et n’osait jamais s’imposer. Au moins, Gaïa avait eu le courage de le remettre à sa place. Un sourire apparut sur le visage du jeune homme.

Styx se rapprocha doucement de Gaïa, jusqu’à ce que son visage soit proche du sien. S’il l’avait voulu, il aurait pu la plaquer contre le mur et lui montrer qu’il ne l’avait pas oublié. Mais ce n’était pas le moment. Pas encore.

Tu penses vraiment que quiconque aurait osé toucher ma régulière ? Tu penses vraiment que je n’aurais pas démoli tous les mecs qui aurait osé poser leur regard sur toi ? C’est bien mal me connaître ma belle….

Il approcha doucement sa main du visage du Gaïa et caressa doucement sa joue et murmura d’une voix grave.

Tu aurais dû accepter que je te kidnappe. J’aurais pris soin de toi comme je l’ai toujours fait. Enfin, avant que tu te barres.

Styx recula brusquement et se racla la gorge.

Enfin, on ne change pas le passé hein.